La porchetta de Bevagna parmi les cinq plats typiques au monde à goûter
Du Myanmar à la ville de Mexico en passant par Bevagna
The New York Times
Pour accompagner notre article de couverture sur les spécialités alimentaires régionales en France, nous avons demandé à des experts du secteur alimenter de nous conseiller les plats à absolument manger d'autres endroits du monde. Ci-dessous vous trouverez une sélection.
Porchetta di Bevagna en Ombrie, Italie
Dans l'antique ville de Bevagna, dans l’Ombrie centrale, le long d’une route étroite et tortueuse, se trouve une magnifique boucherie appelée Macelleria Tagliavento. Traversez l’espace modeste et faiblement éclairé, parfumé de charcuteries qui pendent au-dessus de nos têtes, et vous trouverez un panier de délices rempli d’encore plus de viande. Un peu plus loin, posée sur une étagère, on trouve une porchetta particulièrement belle. J'ai grandi principalement dans l’Italie centrale, et cette version est le type dont je me souviens avec amour avant que les méthodes industrialisées prennent les devants.
La porchetta - un porc entier déconstruit, éviscéré et épicé, puis farci, lié et rôti, avec des couches de viandes, de graisse, de farce et de peau – est originaire de la zone autour de Rome et dans les antiques territoires de l’État pontifical. Elle est aujourd'hui parmi les plats typiques disponibles dans toute l’Italie, même à Bevagna, au cœur d’une des régions italiennes les plus renommées pour la viande de porc.
À la Macelleria Tagliavento, la peau, glacée et croquante, recouvre une viande humide parfaite ; des viandes traditionnelles d’organes, du fenouil sauvage, de l'ail, du romarin et beaucoup de sel et de poivre se cachent à l’intérieur. La tête a été laissée pour une présentation digne des meilleures comédies dramaturges.
En général, elle ne dure qu’une demi-journée. Marco Biagetti et Rosita Cariani, les propriétaires, coupent la porchetta à la main et utilisent des tranches épaisses d’un grand pain arrondi artisanal. Après avoir enveloppé le panino dans une feuille de papier de boucher, ils vous renverront sur votre chemin, en clignant des yeux dans la lumière intense.
SARA JENKINS, chef de Porsena et Porchetta à New York
Mohinga à Myanmar
Spaghetti de riz tendre dans un bouillon de poisson légèrement piquant, mais délicat, parsemé de morceau de tige verte de banane pourraient ne pas être l’idéal pour tous au petit déjeuner, mais le mohinga, un plat classique du matin dans le Centre-Sud du Myanmar, est une très bonne manière de commencer la journée. Il est disponible dans de nombreuses versions. À Yangon, par le passé Rangoon, le bouillon est aromatisé avec de la citronnelle, du gingembre et de l’ail. Sur la côte occidentale, dans l’état de Rakhine, elle est farcie de poisson cuit en tranches et d'une cuillère de pâte de piment.
Mohinga est vendu par des vendeurs le long de la route et dans certains magasins. Choisissez un lieu déjà rempli de personnes du coin. Le vendeur vous mettra dans votre coupelle un emmêlement de spaghetti de riz, vous y verserez du bouillon chaud, vous ajouterez une pincée de coriandre, une tranche d'œuf cuit à feu fort, un peu d'échalote hachée et peut-être quelques tranches de gâteau de poisson. Il est ensuite possible de choisir un ou plusieurs condiments frits.
À Yangon, vous trouverez des stands remplis de mohinga le long du centre de Maha Bandoola Road, et le long des petites routes aux alentours. Mon préféré s'appelle Ou Yi, dans une cour bordée d'arbres dans une rue latérale d’Inya Road. Le mohinga coûte plus que le tarif que l'on trouve le long de la route - l'équivalent de 2,5 $ au lieu de 1 $.
C’est choquant pour les personnes locales, mais pour les voyageurs, c’est une très bonne affaire : le bouillon présente un équilibre parfait et une fraîcheur profondément satisfaisante. Ou Yi est ouvert tous les jours à 5h30. S’y rendre avant 9h00 - ils ont tendance à fermer tôt.
Loin de Yangon, on trouve un mohinga exceptionnel au marché principal de Nyaung Shwe, près du magnifique lac Inle - mais seulement tous les cinq jours ; le « Jour du marché » fait le tour de la région. Dirigez-vous vers le couloir principal du marché ; juste avant d'arriver à la fin, vous verrez sur votre droite un énorme wok plein de bouillon de mohinga à la tomate. Prenez un tabouret et asseyez-vous. On peut sentir les effluves stratifiés d’un bouillon de poisson, un mélange délicat de citronnelle, d'échalote, d'acidité de tomate et quelque chose en plus (sûrement une herbe locale secrète ?) qui chante sur la langue. Vous y retournerez pour en reprendre
Naomi Duguid, auteure de « Burma: Rivers of Flavor »
Kibbe Nayyehà Antelias, Liban
Kibbe, un mélange finement épicé d'agneau haché et de boulghour, peut être trouvé en se baladant au levant, cuisiné de multiples façons. Il peut également être servi cru, comme kibbe nayyeh (nayyeh signifie cru en arabe), souvent appelé le plat national du Liban. Quelques fois, elle est indiquée comme bifteck tartare arabe, même si elle est plus lisse et épicée - la viande est mouillée avec de l’huile d'olive au lieu du jaune d'œuf, et idéalement, elle devrait être pilée dans un mortier en marbre avec un lourd pilon en bois jusqu’à ce qu’elle devienne une pâte soyeuse. Je peux encore imaginer ma mère et ma grand-mère libanaise, assises sur leurs tabourets bas des deux côtés d’un magnifique grand mortier, piler chacune à leur tour les morceaux maigres d'agneau avec un gros pilon en bois.
Comme vous pouvez l’imaginer, cela nécessite du temps et presque personne aujourd'hui ne fait le Kibbe nayyeh à la main, moins de tous les restaurants. Mais certains, comme Al-Halabi, un restaurant hors du temps à Antelias, une banlieue septentrionale de Beyrouth, réussissent à obtenir la même consistance lisse malgré le hachage de la viande dans un mortier. Son kibbe nayyeh est un des meilleurs de la ville : soyeux comme celui de ma jeunesse, avec la même couleur rose pâle, un signe sûr qui est mélangé peu avant que soit servi, avec l’ajout d'un peu d’eau glacée pour maintenir la couleur et détendre la viande. Al-Halabi utilise également une petite quantité de boulgour, qui permet une consistance plus charnue. Et l'assaisonnement est léger, avec suffisamment d'épices pour exalter le goût de l'agneau, mais sans l’étouffer.
ANISSA HELOU, auteure de « Levante »
Piti à Kars, Turchia
À Kars, une province turque nord oriental, où dominent les fromageries et l’élevage de bovins, une spécialité locale se distingue pour son improbable ingrédient principal : l’agneau. Piti, un ragoût de pois chiche, de mouton et de tomate dans un bouillon aromatisé avec de la graisse de queue de mouton et de sarikok, ou du curcuma séché, incarne le passé de la région, station le long de la Route de la Soie et, pendant quatre décennies à l'approche du XXème siècle, territoire russe. Le plat est originaire de l'Azerbaïdjan, même si le piti est quelques fois aromatisé au safran au lieu du curcuma. La tomate, une nouveauté dans les provinces les plus reculées de la Turquie jusqu’au XXème siècle, a sûrement été ajoutée récemment.
Le piti est cuit dans des petites barquettes monoportions – dans des tasses en métal à Kars et dans des plats en argile en Azerbaïdjan - et est servi avec le bouillon de la viande et des pois chiches. À Kars, on y verse dessus des bandes de lavash fileté dans une barquette peu profonde. En absorbant le liquide, le pain devient un nuage similaire à un gnocchi qui rappelle les jus de viande, avec un léger bouillon amer au curcuma. Certains convives en font un plat unique en y mettant dessus du lavash de viande et de pois chiche et en écrasant les légumes secs dans le pain, alors que d'autres les mangent à part. Même s'il est servi toute l’année, il est particulièrement adapté aux hivers particulièrement longs et rigides de Kars.
Kristal Lokantasi est un des derniers restaurants dans la somnolente capitale de la province (appelée également Kars) à servir le piti. Tahsin Kaya, le propriétaire, dit que sa version, disponible uniquement au déjeuner, est préparée en utilisant la même recette de quand son père a ouvert l'établissement, dans un magasin au fond de la rue, plus de 50 ans auparavant. On la vend tous les jours, même en été, lorsque les températures peuvent atteindre 27 °C.
ROBYN ECKHARDT, écrivain et blogueur, EatingAsia
Tlacoyos à Mexico
Les gens mangeaient les tlacoyos - boulettes de masa remplis de haricots frits, d’un fromage salé à tartiner appelé requesón, ou de purée de fève - dans une forme ou dans l’autre depuis les temps préhispaniques, et sont encore vendus sur les bancs des trottoirs de la ville de Mexico. Les vendeurs pilent la pâte de maïs en forme de ballon de foot aplati, puis cuisinent les boulettes jusqu’à ce qu’elles deviennent croquantes et tachées sur les deux côtés, souvent avec des grilles au charbon qui se trouvent à quelques centimètres de leurs genoux. Mais les condiments poussent les tlacoyos au rang supérieur de l'aliment de rue du Mexique : bandes de cactus cuites, oignons frais et coriandre et une cuillerée de sauce.
Mon kiosque préféré est géré par Rosa Peña Sotres, qui en général coiffe ses cheveux gris en une tresse. Pour la trouver, descendre à la station de métro Salto del Agua et se diriger au nord sur la Calle López très animée. Son kiosque se trouve à proximité de Calle Delicias, juste avant celui des carnitas avec les grands vases en terre cuite. Mme Peña Sotres a cuisiné les tlacoyos pendant des décennies (sa mère les préparaient bien avant elle) et sa dextérité se ressent dans chaque bouchée. Le masa de maïs bleu, qu’elle prépare elle-même, est moelleux et aérien ; les fèves ajoutent de l’humidité et une douceur de noisette. Quand elle demande « Con todo? » Je réponds toujours oui.
J'aime tellement les tlacoyos que je lui ai demandé si elle acceptait des étudiants. Peu après je me suis retrouvé dans le patio immaculé de sa maison, dans une ville toute proche. Elle m’a montré comment piler ses haricots sur un mortier en pierre appelé metate - en brossant le cylindre en pierre contre la base par des mouvements rapides et secs - et la façon correcte de placer les tlacoyos sur la grille, d'abord au centre, puis vers les bords. Après avoir fait presque une douzaine de tlacoyos, j’avais mal aux pieds et au dos. Mme Peña Sotres ne présentait pas une goutte de sueur.
LESLEY TELLEZ, écrivaine et blogueuse, The Mija Chronicles.